La grande fête
Kali et Ponna, un couple de paysans établi dans le sud de l’Inde, ne manquent de rien sauf d’une progéniture qui tarde à venir. Bien que comblés par leur amour mutuel, ils se trouvent submergés et humiliés par la pression d’un village de tabous et de traditions.
À travers une description minutieuse de la vie rurale tamoule, l'auteur explore les conséquences néfastes de l'infertilité dans une communauté où la descendance détermine la valeur d’un mariage.
Ce drame social met en lumière la cruauté des normes établies, les contraintes imposées par le système des castes et les hypocrisies d'une société qui privilégie les conventions au détriment des sentiments amoureux.
Le lecteur partage l’appréhension croissante des personnages pris dans une situation qui leur échappe.
Avec sensibilité et bienveillance, Murugan relate des faits inspirés de réalités vécues.
Bien que quelques maladresses puissent résulter de la traduction, elles n'entament en rien la force de ce roman bouleversant au dénouement dévastateur.
« Leurs deux corps ne faisaient qu’un. Voilà dix ans que celui de Ponna s’imprégnait de son odeur. Chaque atome de sa femme lui appartenait. »
« On a peur surtout dans des lieux connus, en présence des visages habituels. On vit dans le peur du qu’en dira-t-on et la crainte des faux pas. Impossible de faire quoi que ce soit selon son désir… »
Retour au Louvre
Le Panier de fraises des bois, nature morte réalisée en 1761, est aujourd’hui considéré comme un « trésor national » au Louvre.
Alain Vircondelet retrace non seulement le parcours de ce tableau, mais aussi la personnalité de son créateur, Jean Siméon Chardin, porté sur la nature morte aux tons veloutés, fasciné par la profondeur des choses, apte à l’introspection pour progresser. Il savait que peindre une nature morte exigeait rapidité et précision, car, bien que figés, ces éléments continuent de vivre, de vieillir, flétrir, faner …
Jean Siméon Chardin, reconnu et respecté pour ses natures mortes, menait une vie empreinte de sérénité et de rigueur entre son atelier au Louvre et ses promenades le long de la Seine.
Pour finir, A. Vircondelet enrichit son analyse en réunissant d’autres points de vue d’auteurs célébrant chacun à leur manière le talent du peintre.
« Personne n’a mieux que lui la magie du clair-obscur »
« Deux principes majeurs gouvernaient J.S Charin : la justesse et la vérité de la vision. Le panier de fraises qu’il avait chaque jour sous les yeux, jusqu’à ce que les fruits s’altèrent, régnait dans sa propre évidence, s’imposait au regard, exerçait peu à peu son sortilège…. »
.... pour bien faire ?
Parfois empreintes d’une douceur moralisatrice, parfois élogieuses, les réflexions de Lola Lafon se déploient sous la forme de courts textes et anecdotes personnelles. Avec une grande sensibilité, l’autrice s’engage sur des valeurs essentielles : l’amitié, le dialogue, le mouvement… Elle défend la vieillesse avec une émotion palpable et un profond respect, honore et illumine les femmes…
Un récit qui voudrait « sauver les mots de l’impuissance du langage », prônant l’acceptation, mais aussi un vibrant appel à la paix et à la vie… Certains chapitres semblent vouloir redonner vie à des concepts abîmés par l’usage quotidien…
Lola Lafon mêle habilement la réflexion philosophique à nos fragments de vie.
Lumineux et humain.
« L’écriture est sœur du silence et du vacillement. Elle naît du non-dit et se fabrique à bas bruit. Peut-être permet-elle de reprendre : un tracé, son souffle, la route. On y était si seule, avant de l’écrire. «
« On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas. Mais on pourra dire qu’on ne savait pas quoi faire de ce qu’on savait. »
« Mon chien, à qui je n’ai jamais réussi à apprendre quoi que ce soit, m’a appris, lui, que ne plus être admirée est peut-être une liberté retrouvée. Il m’a appris que ceux qui se détournent des êtres vieillissants sont déjà presque morts… »
Les nuances de l’eau
La collection « Roman d’un chef-d’œuvre » propose de courts romans inspirés de faits réels où l’auteur retrace l’histoire d’un tableau dans le contexte d’origine.
Les Nymphéas de Monet, exposées à l'Orangerie depuis 1927, incarnent l'apogée de son génie artistique. Malgré la cataracte, il réinvente son art dans un atelier à Giverny, créant des toiles monumentales offertes à la France en 1918 pour célébrer la paix.
Cette œuvre magistrale reflète aussi l'amitié unique entre Monet et Georges Clemenceau, qui a permis leur exposition dédiée.
Philippe Simon évoque le talent et les démons de Monet à travers les souvenirs de Georges Clemenceau, et nous livre ici un petit bijou d’authenticité qui se lit d’une traite.
Artistique et captivant.
« Lorsque le XXᵉ siècle vient à naître, Monet se sent à l’étroit dans son jardin. Il aimerait élargir son horizon, donner davantage d’espace à ses nymphéas, varier encore en encore leurs différences de couleurs, de formes, de reflets, de douceurs….. »
« Le poids de la mort, ça vous tombe sur les épaules, comme une masse de fonte. On courbe le dos, on se tasse, quel que soit l’âge qu’on supporte… «
La porte rouge
Dans ce roman haletant, Nicolas Feuz tisse habilement deux intrigues : les abus subis par cinq détenues extradées et le drame du suicide d'une enfant de 12 ans.
L'auteur nous entraîne dans un huis clos carcéral avec une précision oppressante, révélant avec justesse les liens complexes entre détenues et surveillantes, décrivant des portraits féminins particulièrement frappants.
Le thriller, rythmé, alternant les deux intrigues et une tension constante, offre une expérience immersive et addictive et s’impose par son atmosphère sombre.
Le suspense mène à un dénouement saisissant.
Un polariste efficace à ne pas extrader !...
« Quand tout fut terminé, Tanja se releva dans la lueur glauque des néons. Depuis que l’électricité était revenue, le décor n’était plus rougeâtre, mais blanchâtre, de cette pâleur qui caractérisait la peau d’une détenue après dix jours de mitard. »